- Maître, à quoi sert un Maître demanda, dans toute sa
juvénile candeur, le moinillon au Père D'Evry.
Ce dernier sourit et répondit :
- A rien et à tout... c'est lui qui t'enseigne ce que
tu sais déjà, qui te montre ce que tu as déjà vu."
Ces paroles emplirent le disciple de confusion. Il réfléchit
intensément et fronçant les sourcils, demanda :
- Mais, Maître : à quoi peut me servir celui qui m'apporte
ce que j'ai déjà ? Voulez vous dire que le Maître est inutile
au disciple et que je suis à moi-meme mon propre guide ?
- "Non, pas exactement. Considère cet exemple : n'as tu
jamais été captivé par une toile de Maître ?
- Si, je me souviens d'un tableau accroché au dessus de
l'autel, dans la Chapelle de monsieur mon père. Un magnifique
coucher de soleil peint par un artiste italien de renom...
dont j'ai d'ailleurs oublié le nom !
- Qu'est ce qui t'intéressait tant dans ce tableau ?
- Je ne sais pas... la finesse des détails, les couleurs,
une impression générale. Comme si j'avais devant moi un
modèle de coucher de soleil.
- Mais n'as tu jamais vu auparavant de coucher de
soleil ?
- Bien sûr que si, mais en moins réel.
Souvent, nous ne comprenons pas quelle valeur peut avoir
un guide, un maître et nous refusons à quiconque le droit d'en
savoir plus que nous.
Pourtant, ces personnes plus intelligentes, plus douées, plus
complète que nous, sont de formidables leviers pour nos vies.
L'artiste du texte, par sa peinture, a appris au moinillon
à voir ce qu'était réellement un coucher de soleil. Il a attiré
son regard vers l'essentiel. Sa peinture est certes une
reproduction, mais le moinillon y a trouvé plus de vérité que
dans les couchers de soleil "naturels" qu'il regardait sans
les voir. Un maître, pas ses enseignements, nous apprend à
considérer en pleine lumière ce que, confusément, nous savons
déjà.
"Si vous possédez une connaissance, laissez les autres
y allumer leur chandelle"
Margaret Fuller